Les revenus du numérique dépassent ceux du physique en France
Selon le baromètre semestriel du SNEP, les revenus issus de la musique dématérialisée ont dépassé ceux des supports physiques pour la première fois en France.
par yanhl, le
Le SNEP (Syndicat National de l’Édition Phonographique) a publié son premier rapport semestriel pour 2017. Celui-ci fait apparaître un franchissement d’étape, puisque pour la première fois, les revenus de la musique enregistrée issus du numérique dépassent ceux des ventes physiques. Deux évolutions provoquent ce phénomène : la baisse sensible des ventes de CD, et l’explosion du streaming.
Dans son ensemble, le marché de la musique accuse un léger recul (-2,3 %), que le SNEP explique par un premier semestre 2016 particulièrement bon, tiré par les succès du top 10 des albums. Au premier trimestre 2016, l’album le plus vendu (Renaud) totalisait 602.000 équivalents-ventes, alors qu’au premier trimestre 2017, l’album des Enfoirés qui occupe la même position totalise un nombre d’équivalents-ventes plus de deux fois moindres (260.000).
Par rapport à la même période de 2016, le marché physique accuse un recul important de 18,2 %. Cette baisse aussi importante s’expliquer par une chute importante des ventes de CD. À l’inverse, les ventes de vinyles continuent d’augmentent (+71 %), poursuivant une tendance amorcée depuis plusieurs années. Le précédent rapport du SNEP faisant le bilan de l’année 2016 indiquait que le nombre de vinyles vendus sur l’année atteignait les 1,7 million d’unités, en progression de +72 % par rapport à l’année 2015. Cette tendance n’est pas spécifique à l’hexagone, puisqu’il s’est vendu 3,2 millions de vinyles (+53 %) au Royaume-Uni en 2016, un record depuis 25 ans.
La baisse du physique n’est cependant pas le seul facteur expliquant l’inversion du rapport de force entre physique et dématérialisé, puisque les revenus du numérique progressent de 16 % à 104,35 millions d’euros, dépassant même d’un cheveu ceux du physique au premier trimestre 2016 (104 millions d’euros). Le détail des revenus du numérique fait ressortir un grand gagnant : le streaming dont les revenus progressent de 27,3 %. Dans le même temps, ceux issus des téléchargements chutent de 20,5 %. La chute est encore plus importante pour ceux issus des partenariats avec les opérateurs télécom (-21,3 %). À lui seul, le streaming génère désormais plus de revenus que les ventes physiques (46,3 % contre 44,9 %).
L’augmentation des revenus du streaming est tirée davantage par le streaming financé par la publicité (+30 %) que par les abonnements payants (+26,7 %), et davantage par le streaming vidéo (+31,8 %) que par le streaming audio (+28,4 %). C’est toutefois les abonnements aux services de streaming qui représentent l’essentiel des revenus : avec 71,24 millions d’euros sur un marché de 87,54 millions d’euros, les abonnements représentent plus de 80 % des revenus. Rien d’étonnant, puisque le dernier rapport financier de Spotify indiquait que 90 % de son chiffre d’affaires provenait de ses 38 % d’utilisateurs payants.
Des bons chiffres qui cachent des difficultés
On aurait cependant tort de croire que tout va pour le mieux dans le monde du streaming. Le leader du marché, Spotify, n’est toujours pas rentable et accusait 581 millions de dollars de pertes pour 3 milliards de revenus dans son rapport de juin 2017.
Deezer est également en déficit, malgré un chiffre d’affaires de 192 millions d’euros en 2015 provenant en bonne partie de sa part de marché importante (entre 40 et 50 %) en France, cinquième marché le plus important de la musique enregistrée. Pour se financer, Dezer envisageait une introduction en bourse, mais s’est ravisé l’année dernière, invoquant des conditions défavorables après la chute du cours de l’action de Pandora provoquée par le succès d’Apple Music. Deezer a procédé à une levée de fonds de 100 millions d’euros début 2016, qui a provoqué un changement de propriétaire après validation par l’Autorité de la concurrence. L’actionnaire principal de Deezer est désormais Access Industries, une société américaine qui détient déjà Warner Music.
Soundcloud est aussi dans la tourmente : malgré le licenciement de 40 % de ses effectifs, l’entreprise aurait moins de trois mois de trésorerie devant elle et des rumeurs de banqueroute prochaine fleurissent. Spotify était un moment pressenti comme sauveur potentiel, mais les rumeurs se sont éteintes, et Soundcloud semble maintenant seul face à son destin.
Enfin, le service de straming Tidal lancé en grande pompe en 2014 par ses célèbres propriétaires (Jay-Z, Beyoncé, Rihanna, Kanye West, Nicki Minaj, Daft Punk, Jack White...), serait lui aussi dans une situation très délicate. Non seulement la société n’est pas rentable, mais elle aurait accumulé des retards de paiement auprès d’une centaine de labels pour un total de 438 000 dollars.