Réflexions sur la scène
Cet article se propose d’évoquer quelques réalités de la scène, dont la prise de conscience peut considérablement aider à être efficace pendant le show.
Commençons par rappeler une évidence : le public vient à un concert pour assister à un spectacle et non pour se contenter d’écouter de la musique à fort volume.
Le « plus » de la scène par rapport à un simple album, c’est le visuel : on va voir un spectacle et non pas juste l’écouter.
Aussi, n’oubliez pas que ce qui fera le succès de votre concert sera une alchimie entre ce que vous donnerez à voir et ce que vous donnerez à entendre.
Si la qualité musicale reste bien sûr l’un des facteurs les plus importants d’un concert, la réussite ultime d’un show passe par l’adéquation de ce qui transpire de la musique, ce qu’elle évoque, et ce qui se passe visuellement sur scène.
Vous devez donc vraiment penser un concert comme une pièce de théâtre : la préparation d’un concert ne se résume pas à l’élaboration d’une simple playlist. Il faut surtout faire émerger un mouvement général, que le déroulement du spectacle permette au public de s’immerger dans votre univers.
Sans tomber dans l’effet « majorette », prévoyez une attitude à adopter en fonction du climat des morceaux, des ponctuations, des riffs...
Bannissez à tout prix un jeu de scène inexpressif, une exécution purement technique. Mettez-y du cœur ! Pour cela, il n’y a pas de secret : vivez votre musique sur scène, faites en sorte d’exprimer avec votre corps ce que vous ressentez intérieurement en vous produisant. Faites-en des tonnes s’il le faut (le public est là pour ça), mais restez vrai !
Ne calculez pas trop vos actions, mais ne vous empêchez vraiment pas de faire ce que votre musique vous évoque. Partez du ressenti musical pour vous créer un monde de sons, de couleurs, de mouvement et d’expressions cohérent.
Retenez les manières d’être qui ont plu dans vos concerts précédents.
Essayez aussi de trouver la playlist qui fait entrer progressivement le public dans votre univers.
Évidemment, ne sacrifiez pas la qualité d’exécution au show, mais ne concentrez pas toute votre attention sur la musique : gardez le reste de vos capacités au service du spectacle. Soyez dans votre monde, mais AVEC le public. En particulier, un chanteur doit absolument accrocher le public du regard, même s’il est timide.
De même, votre show devra coller avec les canons de votre type de musique. Adaptez. Ne jouez pas les Marilyn Manson si vous faites du jazz, et ne restez certainement pas statique si vous faites du métal.
N’hésitez pas à personnaliser au maximum l’espace dont vous disposez pour jouer, surtout s’il s’agit de lieux plutôt petits et impersonnels : tendez un grand drap noir derrière vous si jouez devant un mur blanc, profitez-en pour cacher derrière tout ce qui ne doit pas être vu du public.
Toujours dans cette optique de mise en scène, et selon votre style de prédilection, cachez au maximum votre matériel ou au contraire, exhibez-le !
En résumé : prenez conscience qu’un concert n’est pas une répétition, mais un spectacle très visuel.
Sur scène vous êtes donc exposé non plus comme musicien, mais comme artiste interprète. Ceci a de nombreuses conséquences.
Il s’installe en fait entre vous et le public ce que l’on appelle en psychologie une forme de « transfert » : le public vous attend comme artiste, avec toute la prestance que cela implique. Vous avez réussi à décrocher une première date, vous êtes tout fébrile et bouffé par le trac, parce que vous n’êtes pas sûr de vous.
Le public lui, est a priori enthousiaste (sauf cas particulier), tout prêt à adorer votre musique. Il attend des gens sûrs d’eux, dont c’est le boulot, pour la bonne est simple raison que s’ils font un concert, c’est qu’il doivent être bien calés en musique. Et ils n’ont pas tort : trop souvent on ne voit que ce qui nous sépare de nos grands groupes préférés, et on oublie que finalement l’immense majorité (celle des non musiciens) ne saurait pas faire le 100ème de ce que nous accomplissons en répet ou sur scène.
Il faut que vous soyez à l’aise sur scène ; un concert est souvent vécu comme une mise à l’épreuve, mais bien souvent le public est « bon public » alors que les zikos se torturent l’esprit sur le moindre pain. N’oubliez pas que, à moins que vous soyez largement distribués et que vous soyez assaillis de fans qui connaissent vos morceaux par cœur, seuls les musiciens entendront les pains.
Si vous en faites un qui est flagrant, n’ayez pas l’air embarrassé ! Souriez et assumez, vous êtes humain. En général, rire de ces gaffes passe beaucoup mieux que d’essayer de les cacher alors qu’elles sont flagrantes.
N’oubliez pas non plus que si vous êtes devenu insensible à vos propres morceaux à force de les répéter, le public les découvre. Faites abstraction de vos sentiments sur les points faibles de vos compositions que vous avez découverts au fil du temps, jouez-les comme s’ils étaient « neufs ».
Apprenez à accentuer les riffs clés de vos morceaux par votre attitude. Par exemple, sautez quand vous attaquez le riff qui pète bien.
En résumé : le public attend de vous que vous vous comportiez en leader et en artiste. Soyez charismatique et n’ayez pas peur d’être extravagant, car l’extravagance (dans une certaine mesure et selon le type de musique) et appréciée, voire attendue sur scène.
Certains styles exigent également d’apporter un soin tout particulier au look. Dans tous les cas, vous devez vous assurer que votre apparence correspondra au style de musique que vous jouez, et que le visuel global du groupe sera cohérent.
La musique et les comportements sont plus révélateurs qu’on ne le croit. Ils parlent à l’inconscient, bien malgré nous. N’avez vous jamais rencontré quelqu’un que vous ne pouviez pas supporter, sans raison valable ? Eh bien c’est parce qu’il vous communique malgré lui quelque chose qui vous semble détestable, qui ne colle pas avec votre inconscient. Vous-même vous ne sauriez dire pourquoi vous ne sentez pas cette personne. C’est juste un feeling... mais c’est là !
Sur scène, le public sentira si vous n’êtes pas naturel ou si vous n’êtes pas à l’aise. Il ne le saura peut-être pas consciemment, mais il aura un sentiment diffus que « c’était du chiqué » ou « qu’ils n’étaient pas sûrs d’eux » qui lui donnera un goût amer à votre spectacle.
Pour donner un exemple, pensez parmi vos groupes préférés à ceux qui ont un « putain de groove », ou une « puissance monstrueuse ».
Leur puissance vient du fait que tacitement les musiciens fantasment de la même manière sur les riffs. Il y a un consensus inconscient sur la manière de ressentir leur musique. C’est cette cohérence qui donne de la puissance à votre interprétation. Et généralement la mise en place, la technique et la créativité s’en trouvent améliorées.
En résumé, le meilleur moyen de faire passer des émotions efficacement, c’est de les ressentir vraiment. Rien ne sert de tricher sur le ressenti.
N’oubliez pas que le public est régi par les phénomènes de masses. Aussi si vous avez un concert particulièrement important (programmateurs dans la salle, etc.) amenez vos amis ! Pour un concert de métal, une vingtaine de personnes qui pogottent dès le premier morceau, pour vous se sera juste vos potes qui s’amuse, pour le public, ce sera sans doute des fans qui connaissent déjà votre groupe (sans doute que ça doit être un groupe reconnu alors), ce qui pourra lancer un monstrueux pogo.
Idem pour les musiques moins communicatives : des salves d’applaudissements convaincront le reste du public que votre groupe est très bon.
En revanche, demandez-leur de ne pas montrer trop de proximité avec vous-même lorsque vous êtes sur scène : s’ils vous interpellent par vos prénoms à tout bout de champ, le reste du public aura l’impression d’être à une fête privée et votre stratégie tombera à plat !
De même, abandonnez dès le départ l’idée de faire un pur concert si certains éléments ne sont pas réunis. Pour mon domaine (le métal), ces éléments peuvent être : un concert non exclusivement métal, une salle où l’on ne peut ni fumer ni boire, une heure de passage avant 22 h/être le premier groupe à passer, moins de 30 personnes dans le public, un public même pas bourré, personne dans les 3 mètres les plus proche de la scène, etc. Bref ne vous étonnez pas si la sauce n’a pas pris, parfois on ne peut pas faire de miracle !
Alors ne considérez pas ces concerts-là comme des échecs, soyez quand même à fond, mais n’espérez tout de même pas faire crier le public à coups de « ÇA VA TOUJOURS ? »...
Vous risquez de le mettre mal à l’aise et de subir un monumental blanc...